top of page

Dorothée : « Croyez vous que j’aie le temps de faire des enfants ? »
France-Soir – 4 octobre 1983

1983 - Croyez-vous que j'aie le temps de faire des enfants (1).png
1983 - Croyez-vous que j'aie le temps de faire des enfants (3).png

AUTOUR de son lit, il n'y a pas une foule de Schtroumpfs, Rox et Rouky, Nounours et autres. Si à trente ans ses rêves sont encore ceux d'une jeune fille, Dorothée n'est pas une femme-enfant irresponsable. Il est 7 h 30. La nuit a été mouvementée parce que Dorothée avait peur de ne pas se réveiller pour attaquer la journée la plus chargée de la semaine, le mercredi, jour des enfants et de Récré A2. Elle a pu compter toutes les heures sur son radio-réveil comme une débutante qui va se présenter à sa première audition. Comme si son subconscient avait oublié que, depuis plus de six ans, Dorothée anime, Dorothée fait rire, Dorothée console, Dorothée entraîne, Dorothée organise, Dorothée chante, Dorothée ne craque jamais.
7 h 30. Bonjour, voilà les nouvelles. Dorothée s'étire. Un thé vite avalé. La douche essentielle. Elle jette dans son sac l'ensemble du couturier japonais qu'elle s'est offert la veille dans les Halles. Sweat-shirt à samouraï sur fond noir et mini-jupe droite avec élastique sur les côtés.
« C'est pratique, je peux m'asseoir. »
Une deuxième paire de bottes. Checking général d'un coup d'œil rapide sur le contenu de ses trois sacs. Elle claque la porte de son septième ciel de la porte Maillot et fonce au bistrot. Là, d'habitude, Jacky partage avec elle la tartine beurrée du petit matin. Mais aujourd'hui il enregistre une série de Platine 45 et il ne pourra la rejoindre que sur le plateau de télévision. Son ami et producteur Jean-Luc Azoulay est auprès d'elle, sans perdre une minute de vue sa montre. « Do, il faut y aller. Il est neuf heures ». Comme une star, elle se fait conduire dans une belle américaine.


Deux heures de maquillage
9 h 30. Rue Cognacq-Jay. Dorothée a toujours un petit mot gentil pour le gardien. Pas de gymnastique pour suivre les couloirs qui mènent sur les lieux du crime. : le plateau de Récré A2. Un petit bar, une petite scène, une petite boîte à sel. Et dire qu'avec ce décor de misère, il va falloir occuper l'après-midi des enfants. L'importance de son rôle, les statistiques qui prouvent que chaque mercredi et chaque jour des millions de jeunes regards sont braqués sur elle, Dorothée préfère ignorer.
« Quand je regarde la caméra, je m'efforce de m'adresser à un enfant avec sa grand-mère, par exemple. A une petite fille avec sa sœur. A chaque fois je change. C'est ma force. » Le plateau n'est pas prêt, on va au maquillage. La séance dure près de deux heures. La loge est le rendez-vous de toute l'équipe. Willy, François, Alain, Ariane et Jacky se marchent sur les pieds. Avec l'aide de l'habilleuse, on découvre, on invente son costume. Alain pour le Tour du monde en 80 jours porte des Knickers. Obligé. « La casquette te rend moins bête que le chapeau », commente Dorothée. Ariane a juste eu le temps de dormir quatre heures après avoir fêté une générale de sa pièce (Dieu me savonne) au café-théâtre qui marche super bien ». Elle a la voix cassée.
«En direct sur le plateau, elle revient », dit-elle pour rassurer tout le monde. Elle vient d'enfiler sa robe de serveuse tablier blanc. « Tu es la Pauline Carton des années 80 », dit Alain. Eclats de rire. « Mais où est Jacky ? L'heure tourne, il est en retard », se lamente François, l'auteur des textes.
L'équipe se réunit dans le couloir pour la répétition générale. Jacky arrive essoufflé. Le temps d'attraper la script, il donne la réplique.


Break à 13 h 30
Break pour le déjeuner. Il est 13 h 30. Juste une heure dans un petit restaurant du quartier. Ils sortent tous en costumes. Mais ici, les gens sont habitués aux excentricités des artistes de la télé. Personne ne les regarde. On parle de tout, de rien, de n'importe quoi. Dorothée ne pense pas à ce qu'elle dit. Elle n'a qu'une envie, son hors-d'œuvre et grillade avalés : foncer sur le plateau. Pour voir si tout fonctionne bien.
14 h 30. Elle est dans le décor. C'est là qu'elle se sent chez elle. Elle se met dans un coin, articule, agite ses mains. Autour d'elle, caméras, échelles, câbles virevoltent. « Silence, hurle Don Kent, le réalisateur. Sinon, on n'y arrivera jamais ». Une dame de service tricote dans un coin sur son siège pliant. Imperturbable.
15 heures. La lumière rouge s'allume. On est en direct.
«Bonjour, nous sommes contents de vous retrouver... >
« J'apprends mes textes au dernier moment. Et puis je brode, je fais ce que veux », confie Dorothée.
Depuis l'année de son bac (1970) où Jacqueline Joubert la remarque lors d'un concours de théâtre inter-lycées, sa vie a bien changé.
« A l'époque, je ne savais pas ce que je voulais faire. La télé, un hasard, une main tendue par Jacqueline Joubert. En 1973, elle anime grâce à sa bonne fée « Les mercredis de la jeunesse ». En 1974-1975, c'est l'éclatement de la télé. Après une année d'animation des visiteurs du mercredi, on la remercie.
«  Vous n'êtes pas faite pour des émissions pour les enfants ».
« Alors là, raconte-t-elle, j'ai connu le trou noir. J'ai été secrétaire. Mais j'avais un sens du rangement un peu trop personnel. »


« J'en ai marre »
Le passage à vide ne dure pas longtemps. Jacqueline Joubert n'a pas oublié la frêle créature et son incroyable énergie. Dorothée, sollicitée par Jacqueline Joubert, gagne un concours de speakerine Puis c'est le départ de Récré A2, ce sacerdoce qu'il lui arrive de haïr le temps d'un mirage.
Jacky a trébuché, un plateau avec deux verres de lait à la main. Le liquide s'est lamentablement répandu sur l'ensemble tout neuf de Dorothée, « Continuez sans moi, dit-elle, j'en ai marre. » Quelques secondes, ses partenaires sont stupéfaits. Willy rattrape le blanc, on passe un dessin animé et l'équipe court à la recherche de Dorothée, qui revient souriante, sans réticence. De l'autre côté de l'écran, on n'y a vu que du feu, y compris Jacqueline Joubert, responsable des émissions pour la jeunesse que l'on retrouve après chaque épreuve dans son bureau. Il est 17 h 30. « C'est très bien, mes enfants », dit la pétroleuse des speakerines. Ouf !
la fin de la journée approche.

Mais non. Azoulay est encore là. Il faut partir en studio répéter un titre du prochain album.
19 h 30. Elle pose son sac sur le palier, sonne. Son petit ami ouvre la porte. Il est photographe et il la dévore de son beau regard bleu. « Ce soir, on va à l'inauguration du « Garage ». Tu t'en souviens ? »
« Ah oui, c'est vrai, j'ai promis », dit Dorothée. Elle saute dans sa douche, enfile un chemisier propre, souligne d'un trait de crayon ses deux prunelles brunes. Sans sourciller, elle s'apprête à franchir la dernière étape du parcours.
21 heures. Entrée au « Garage ». Flashes des photographes. Le Tout-Paris » la re- garde et Dorothée sourit toujours. Elle aura encore' l'énergie de danser un tour de piste. A 2 h 30, dodo. Et si on lui demande si elle n'a pas envie d'avoir des enfants, elle répond : « Comment croyez-vous que j'aie le temps d'en faire ? ».
Ça vous étonne ?


Catherine DELMAS
Reportage photos de Lucien JACQUINOT

1983 - Croyez-vous que j'aie le temps de faire des enfants (2).png

18 h à 19 h 30. Elle chante, Dorothée, en vue d'un nouvel album. A 21 heures, elle quittera son appartement pour une folle soirée avec détente.

bottom of page