Dorothée au Zénith
1988
Le secret du succès de Dorothée : « Pour les enfants, nous existons vraiment. Nous ne sommes pas des dessins animés».
La reine des enfants, déjà au sommet de l'audience télévisée, atteint le « Zénith » pour un spectacle destiné à son public, la jeunesse. Comme si ses vingt-deux heures de présence sur l'antenne de TF1 ne suffisaient pas à cette travailleuse de force!
« Dans notre équipe, il y a une règle d'or: être sincère, croire à ce que l'on fait, être vrai tout le temps. » Personne ne le nie: Dorothée aime son métier et adore les enfants. On pourra peut-être difficilement le croire, mais cette petite femme à l'œil vif qui se reconnaît comme «flemmarde» considère que ses vingt-deux heures de présence sur l'antenne de TF1 n'ont rien à voir avec le travail. « C'est un plaisir », affirme-t-elle. Debout à 5 heures du matin, Dorothée éteint la télé restée allumée toute la nuit – elle raffole des séries de... La 5 – puis fonce à la Plaine-Saint-Denis où sont installés des studios spécialement équipés pour elle. Il est 7h40 lorsqu'elle commence son incroyable marathon: des émissions quotidiennes, encore une le samedi et le dimanche matin; et surtout, un mercredi qui est tout sauf une journée de repos. Elle assume au total sept heures de direct dont quatre face à un public déchaîné! « C'est passionnant, nous nous amusons comme des fous. Il faut sans arrêt courir, mais la joie des enfants est notre récompense », assure Do c'est ainsi qu'on la surnomme.
Comme si tout cela ne lui suffisait pas, elle se donne en spectacle depuis le 27 novembre au Zénith à Paris. D'une durée de deux heures, le show est, annonce-t-elle, «yéyé, twist et rock'n'roll ». Dix musiciens - Les Musclés -, huit danseurs et des cascadeurs partagent l'affiche de cette revue qui partira en tournée en 1989. De plus, des duplex sont effectués en direct au cours de l'émission du mercredi. Ses comparses assurent la permanence: il y a Corbier le « poète », Jacky le « râleur », Ariane la «dynamique », Patrick Simpson-Jones le « sportif » et Madame Soleil qui vient livrer ses conseils astrologiques. Dorothée se réserve le titre Miss Chronomètre. «On raconte tout ce qui se passe à nos copains les téléspectateurs. Nous les avons ainsi tenus au courant de la crise d'appendicite d'Ariane qui téléphonait de son lit d'hôpital. Quand nous sommes de mauvaise humeur nous le disons. » Ce contact est le secret de Dorothée: « Pour les enfants, nous existons vraiment. Nous ne sommes pas des dessins animés, je tiens à cette présence. »
Quand il reste quelques heures de libre à cette travailleuse de force, elle les consacre à sa mère, son frère et ses chiens, et adore visionner les dessins animés. Ses préférés: Juliette, je t'aime qui la fait pleurer et Dragon Bull qui la fait rire. A ce propos, la CNCL s'est inquiétée de la diffusion de ces séries à 90% étrangères. Elle s'enflamme «Cela fait effectivement beaucoup, mais trouvez-moi des dessins animés français et je les diffuse tout de suite!» Elle est responsable des programmes jeunesse sur TF1; à ce titre, elle a un contrat de production quasi exclusif avec AB (qui est aussi sa maison de disques), qui fournit la majorité des programmes à ses émissions. Si on l'accuse de monopoliser l'antenne, Do répond « Avis aux amateurs, nous sommes ouverts aux propositions de nouvelles émissions.»
Autre récrimination: la violence de ces dessins animés. Dorothée bondit: « Il ne faut pas prendre les enfants pour des imbéciles! Nous avons récemment décidé d'annuler la diffusion de Ken, que nous trouvions trop dur. Deux jours après, des centaines de lettres sont arrivés pour nous demander de le reprendre la semaine suivante. Nous avons fait un mini référendum: 97% des "votes" étaient pour la reprise!» Pour Dorothée, la cause est entendue, les images de catastrophe et de mort du journal télévisé sont plus inquiétantes. «Les enfants ont changé », estime Dorothée qui pense qu'aujourd'hui « Bonne nuit, les petits » ne marcherait plus. «A l'époque, cela m'ennuyait!» Ce qui la passionnait, c'était l'égyptologie: «Quand j'ai vu les études qu'il fallait faire... Oh là là!» Tout a commencé lors d'un concours de théâtre amateur auquel elle participait dans la troupe de son collège. Dans le jury: Jacqueline Joubert. L'ancienne speakerine est à l'époque chargée de créer le service jeunesse de l'ORTF. En 1973, elle propose à la jeune fille d'animer sa nouvelle émission: « C'est un coup de chance, ce qui n'est plus possible maintenant », explique Dorothée.
Tout n'a pas été toujours rose pour la reine des enfants. Ainsi, sa première expérience à la télé connut un arrêt aussi brutal que décevant en 1975. Elle releva le défi: « Je suis allée voir les gens qui m'avaient promis de m'aider quand j'avais du succès. Résultat: néant. » Aussi est-elle devenue tour à tour animatrice de supermarché, secrétaire, distributrice de prospectus et enfin, après deux années d'expériences diverses, speakerine à Antenne 2. « Je considère ma vie comme un escalier, explique-t-elle. Je fais en sorte que chaque marche me fasse monter plus haut. J'essaie de ne jamais redescendre. J'ai beaucoup appris...» Mais depuis son départ d'A2, voici un an, Do a comme une blessure: « J'ai laissé Jacqueline Joubert fâchée. J'espère que ça passera. »
Toutes ses mésaventures sont à présent oubliées. Surtout lorsque les producteurs de la Toei, l'une des sociétés de production les plus performantes du Japon, l'ont fait venir à Tokyo pour qu'elle joue dans trois de leurs nouvelles séries. Les petits Français verront leur princesse au printemps prochain dans Gyriaia - en détective -, Liveman – en savant et Mask Rider Black en professeur de cuisine! Heureuse en son royaume, Dorothée ne veut pas penser à l'avenir. Un enfant? «Pas le temps!» répond-elle, tout en reconnaissant que c'est son plus cher désir. «Quelquefois, les gosses me demandent si j'ai un petit ami. Je réponds: "Chut, secret! J'le dirai pas." Ils adorent ça!» Pas de lassitude pour cette grande professionnelle éprise de son public: «Tant que je m'amuserai et que les enfants seront contents de me voir, je continuerai. Je leur fais confiance pour me dire que je les ennuie. Le jour où je me dirai: "Zut! il faut y aller", j'arrête tout de suite. »
M. D.