Star en jeans et baskets, Dorothée chavire Bercy
Le journal du dimanche – 7 janvier 1990
Ça tremble à Bercy depuis hier soir. Dorothée, « la fée des enfants » a débuté son supershow devant 12 000 fans et c'est vrai : le sol a tremblé pour de bon grâce à de grosses machines prévues à cet effet. Envolé, le trac que Dorothée avouait deux jours avant la première. Ce matin-là, elle est un peu en retard pour l'interview. Normal, Dorothée est débordée, fatiguée, stressée, mais à Bercy où elle va vivre pendant trois semaines, elle est déjà chez elle. On traverse les couloirs au pas de charge, direction la loge. Elle a hâte de retrouver ses gosses, les moins de treize ans qui ont fait d'elle une star en jean et en baskets.
Pour Dorothée, reine de la télé, Bercy est une sacrée aventure. « C'est la première fois que je me retrouve dans une salle aussi grande, dit-elle. J'ai quatre changements de costume. Il va falloir cavaler dans les couloirs. Je croise les doigts et j'espère qu'avec le public, on va bien s'amuser. »
Son spectacle, Dorothée le prépare depuis six mois. Sur scène, ils sont plus de 80 personnes qui travaillent sur le show. Dorothée préfère le mot concert. « C'est ainsi que j'ai voulu ce spectacle où les chansons s'enchaînent avec plus de rythme que dans les autres. On a privilégié les effets de lumière par rapport au décor assez dépouillé. Les enfants pourront tout faire, se lever, chanter, danser. On a tenu compte de leurs remarques.»
Je ne triche jamais
C'est par l'intermédiaire de son club qui reçoit 5000 lettres par jour et les observations faites par les enfants qu'elle choisit ses programmes. N'en déplaise à Ségolène Royal, auteur du livre, Le ras-le-bol des bébés zappeurs, pour qui la blonde animatrice ne « débiterait qu'une boudinerie américano-japonaise », faite de « monstres répugnants, dessins animés nullissimes et pitreries affligeantes. » Qu'en pense l'accusée ? « Pour moi, c'est une affaire close, dit-elle. J'ai envoyé des invitations à Ségolène Royal et à ses enfants. » Il est vrai que les séries proposées par Dorothée ne sont pas toujours appréciées de tous les parents qui, pour certains, les trouvent trop violentes. Dorothée, elle, prétend œuvrer pour le plus grand nombre, c'est à dire les plus de six ans. « Ce sont eux qui m'intéressent, dit-elle. Les petitouns sont trop jeunes pour cela. Et puis, ils regardent trop la télé. Avec les autres, je ne triche jamais. Je respecte les choix du public. Quand on a déprogrammé Ken le survivant, les enfants ont tellement protesté qu'on a repris la diffusion après avoir coupé les images plus agressives. En aucun cas, je ne veux me substituer aux parents ou aux professeurs. C'est à eux de juger si leurs petits peuvent regarder certaines séries. »
Dorothée a appris à se défendre, les arguments sont prêts. Les faits aussi parlent pour elle. Par la voix de ses six millions de fans, d'une part. D'autre part, à cause des carences dont souffre la production de films d'animation en France. « On a vingt ans de retard, dit Dorothée. Donnez-moi du français, si ça plait, je le programme. Dans notre pays, tout est à faire en matière d'animation. Depuis plusieurs mois, nous avons mis en place des équipes qui travaillent à la production de dessins animés. »
Dorothée, l'animatrice chouchou s'active. Et avec elle les 150 personnes qui collaborent à ses émissions. En tant que directrice des programmes jeunesses sur TF1, elle croule sous les responsabilités. « En réalité, je suis une paresseuse, assure-t-elle. Mais je travaille beaucoup. Heureusement, je sais déléguer, tout en aimant me mêler de tout. Je visionne tout ce qui passe dans mes émissions. »
A l'entendre, tellement impliquée dans son métier, on a le sentiment qu'elle n'existe pas en dehors de lui. Qu'elle n'est que cette grande adolescente en queue de cheval, animatrice vedette, chanteuse à succès, grande copine des enfants. Autant de casquettes qu'elle porte plutôt bien. La réussite n'est pas un hasard. L'autre Dorothée, jeune femme âgée de trente-six ans et personnage privé reste quant à lui aussi impénétrable que mystérieux.
par Danielle Attali