Elle a battu tout le monde au poteau, même Chantal Goya. 95 % des enfants la connaissent et l'écoutent. Mieux 90 % d'entre eux l'aiment, beaucoup, passionnément ou à la folie.

Vous l'aimez bien ? Tant mieux. Vous ne pouvez pas la supporter? Tant pis. Vos enfants s'en moquent. Eux, ils adorent Dorothée. 1% seulement des huit quatorze ans ne la connaissent pas, 90% des quatre -sept ans ne peuvent pas s'en passer. Alors, sachez que si vous ne vous résignez pas à leur acheter ses disques ou ses cassettes, ils l'écouteront ailleurs, à la télé bien sûr, à la radio, chez leurs copains, n'importe où. C'est comme ça, les passions de masse ! D'ailleurs, vous avez sûrement succombé puisqu'avec huit millions de disques vendus, Dorothée est championne des ventes toutes catégories chez les enfants, dépassée très légèrement par « USA for Africa» chez les plus âgés mais battant de plusieurs têtes, chez les autres, Chantal Goya sa rivale. Non seulement en vente, mais en notoriété et en appréciations favorables. Désormais, elle se place au même niveau que Patrick Sabatier et Superman chez les plus vieux, et sur la même (première) marche du podium que Zorro et Donald, réputés invincibles chez les plus jeunes. En un mot comme en cent, Dorothée a conquis en treize ans le public enfantin le plus vaste qu'on puisse rêver : elle est l'idole des jeunes de quatre à quatorze ans. Une preuve parmi d'autres ? L'hebdomadaire Télérama, ayant organisé un sondage sur les chanteurs préférés des jeunes, avait omis le nom de Dorothée. On trouvait sur la liste Anne Sylvestre, Yves Duteil... le dessus du panier, quoi ! Eh bien c'est Dorothée, l'absente, qui a gagné. La majorité des enfants avait rajouté son nom à la liste et l'avait plébiscitée. Qui dit mieux ? Personne, évidemment. D'ailleurs les récompenses pleuvent sur elle comme autant de consécrations: celle des spécialistes avec le diplôme Loisirs-Jeunes qui vient de lui être décerné, celle du ministère de la Culture lui-même qui patronnait l'opération « Victoires de la musique» (oui, vous avez bien lu de la musique) qui l'a inscrite à son palmarès. Voilà pour les honneurs. Côté affaires, ça ne marche pas mal non plus. La mairie de Paris, Antenne 2, Europe 1 sponsorisent à qui mieux mieux l'entreprise « Dorothée » : ils étaient derrière son grand spectacle de Noël, et ils sont encore les mécènes de la tournée qu'elle entreprend en février dans quinze grandes villes de France. Enfin mais ce n'est sûrement pas terminé - Dorothée annonce un projet de comédie musicale et, bien sûr, le développement de Récré A2: elle animait déjà cette émission l'après-midi sur la deuxième chaîne, la voilà désormais devenue elle-même productrice de Récré A2 matin.
Alors inutile de faire la fine bouche devant ses ritournelles éternelles, son langage puéril, ses grimaces, bref son look de petite fille de 32 ans qui ne veut pas grandir. Dorothée restera longtemps encore la poulette aux œufs d'or du showbiz enfantin. D'abord parce que le
plus puissant des médias, la TV, lui assure une audience quotidienne imprenable. Dorothée s'introduit tranquillement chaque jour au domicile d'un nombre d'enfants dix fois plus vaste que celui que Chantal Goya, avec son meilleur spectacle, peut prétendre toucher. Ensuite parce que l'imagination de sa maison de production veille au grain. Au cas où Dorothée, un jour, ne se suffirait plus à elle-même, ses producteurs l'ont déjà associée par ses chansons, a des films garantis inusables, come « Rox et Rouky de la société Walt Disney par exemple, ou à des personnages réputés increvables comme les Schtroumpfs dont elle est devenue la Blanche-Neige. (Chacun des deux disques a déjà été vendu à plus d'un million d'exemplaires.) Enfin parce que les livres-disques ou cassettes de Dorothée ont réussi à prendre très souvent, à l'heure du coucher, la place de l'histoire que père et mère n'ont plus le temps ou la patience de raconter quotidiennement. N'allez pas croire pour autant que Dorothée, multimillionnaire du disque, mène la vie fastueuse des stars. Sauf votre respect elle vit plutôt l'existence d'une prolétaire du succès, car elle trime dur. Ses journées commencent à l'aube et se
terminent fort tard; tournage, cours de  chant, séance de signatures dans tel ou tel supermarché, répétitions, heures de travail au bureau, s'enchaînent en un véritable marathon qui n'entame pas une fraîcheur éternelle héritée, paraît-il ,de sa grand-mère. La vente de ses disques bien plus que la télé- lui assure un confortable compte en banque, mais elle répugne à le grossir par des contrats strictement publicitaires. J'ai le respect des enfants », dit-elle. Vrai une bande dessinée avec Cabu? D'accord. Mais vous ne trouverez jamais son nom ou son image sur une boîte de lait, une gomme ou un gadget. Les enfants ne lui en tiendraient sûrement pas rigueur. Les parents, eux peuvent lui en savoir gré.

Annick POST

Les mères aussi
Un sondage sur un échantillon représentatif d'enfants de 4 à 7 ans et de 8 à 14 ans, a été effectué par l'Institut de l'enfant. Et voici le résultat !
Chez les 4/7 ans
5% ne connaissent pas Dorothée
90% l'aiment
5% ne l'aiment pas
Chez les 8/14 ans
1 % ne la connaît pas
71 % l'aiment
28 % ne l'aiment pas
Chez les mères
Le sondage n'a été effectué que parmi les mères des 8/14 ans.
4% ne connaissent pas Dorothée
68 % l'aiment
28% ne l'aiment pas

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« Je suis une femme-enfant »
« Le succès ? Il n'y a pas de truc pour ça. Je n'ai pas de combine pour plaire aux enfants, ni à qui que ce soit d'ailleurs.»
Voire. A trente-deux ans, Dorothée a l'air d'en avoir seize. Rose et blonde, elle a gardé la queue de cheval et la frange indisciplinée de ses jeunes auditrices, mais elle a ajouté un brin de maquillage espiègle ». Elle parle de sa « maman » comme les gosses et
éclate de rire avec la même spontanéité qu'eux. Mais c'est en toute conscience qu'elle s'habille plutôt « teen » ... Alors, éternelle gamine par hasard ou par nécessité ? Par nature ou par besoin de séduire le public?
« Ecoutez, je ne triche jamais. Les enfants se foutent pas mal des apparences, ils voient les gens comme ils sont. Moi, je suis une femme-enfant, c'est vrai, et je m'en porte très bien. »
Eux aussi, apparemment. Ce n'est pas sur ses cheveux noués, ses yeux qui papillotent, ni sur ses bafouillages que Jacqueline Joubert, alors responsable de toutes les émissions enfantines à l'ORTF, avait misé en 1972 quand elle choisit Dorothée comme présentatrice de l'émission Blablatus, pour attirer les gamins: c'était sur ses formes « arrondies ». Or, avec l'âge, Dorothée a perdu ses rondeurs pas une once de graisse sur ce corps fluet, pas une ride sur ce visage aigu. Et pourtant le succès amorcé en 1978 avec les débuts de Récré A2 s'est transformé en triomphe. « Vous voyez bien qu'il n'y a pas de truc», répète-t-elle.
A côtoyer et à séduire les enfants des autres, n'a-t-elle pas perdu le goût d'en avoir à elle ?
Elle s'insurge: «Deux, c'est mon rêve, mais deux à la fois. Je voudrais grouper, si l'on peut dire. Comment expliquer que la chose est plus facile à dire qu'à faire à une si gentille petite fille !