Dorothée modeste
Télé semaine n°21 – 17 avril 1982
ON l'a revue il y a peu de temps dans un autre rôle que celui de présentatrice, un vrai rôle celui-là, au cinéma, dans le film de François Truffaut, « L'amour en fuite ». Chanteuse, danseuse, comédienne, Dorothée demeure néanmoins fidèle au petit écran. « Je n'ai aucune sécurité dans mon métier, dit-elle. J'ai déjà connu le chômage, dix- huit mois en tout. Il faut se dire tous les jours que la gloire s'acquiert à titre
précaire et révocable. Et je ne suis pas différente des autres ».
Prudence, donc, et modestie... Car, à l'en croire, sa carrière serait un peu le fruit du hasard. On m'a appelé, on m'a téléphoné, on m'a demandé si je voulais bien. Jamais elle ne dira je suis allée voir tel producteur, tel musicien... Et c'est peut-être vrai, après tout.
1979, 1980 et 1981 ont été marqué au coin de « Dorothée au pays des chansons ». Elle se repose un peu de ce disque, devenu livre, puis comédie musicale avec quinze musiciens et onze danseurs. Une expérience intéressante, mais usante. « Les enfants, dit-elle, sont un public très dur, très exigeant et qui n'a peur de rien ! » Néanmoins, elle les adore toujours, parce qu'avec eux, elle ne cherche pas ses mots : « je ne bêtifie pas non plus. Je ne veux surtout rien leur apprendre et je suis assez triste de voir, dans notre monde moderne, combien les enfants vieillissent vite. Moi, ce que j'aime, c'est les faire rire, avec un esprit finalement tarte à la crème ».
Dorothée-la-chance a-t-elle abandonné le cinéma ou bien est-ce le contraire ? Il est vrai qu'elle n'a pas eu grand temps pour se pencher sur cette question ces trois dernières années. Mais comme toujours, elle répond avec une franchise désarmante.
«Lorsque François Truffaut lui propose un rôle dans « L'amour, en fuite », elle accepte, « parce qu'on ne refuse pas Truffaut ». Mais, le film terminé, elle n'est pas enthousiaste : « franchement, je déteste me voir. Je pense toujours que j'aurais pu mieux faire. Pour ce film, j'étais sur un nuage. Je ne posais pas de questions et j'étais tellement occupée à rassurer mon partenaire, Jean- Pierre Léaud, que je n'avais pas le temps de penser à moi ».
Pour son second film, « Pile ou face », dirigé par Robert Enrico, elle fut un peu effrayée par Philippe Noiret, mais se prit de passion pour « le métier ». « Je passais mon temps à regarder autour de moi. J'ai beaucoup appris dans ce film. Nous avons tourné durant un mois à Bordeaux, où acteurs et techniciens ne se sont pas quittés. Nous vivions dans
le même hôtel. On se retrouvait encore le soir. C'était la vraie vie de cinéma telle que je la
souhaitais ». Dorothée s'est aussi mise aux claquettes et au rock acrobatique avant de partir aux Etats-Unis où on la dit au mieux avec l’entreprise Walt Disney.
Elle a donc beaucoup de cordes à son arc et refuse de faire un choix définitif entre ses diverses activités. Elle veut tout faire. A moins qu'elle ne soit pas très acharnée à courir après la réussite personnelle parce qu'elle entend réussir sa vie privée ?
Mais sur ce point, elle ne dira, rien. Dorothée. Qui malgré ses allures désinvoltes est une jeune femme souvent angoissée a décidé de construire un mur de béton autour de sa vie privée. Respectons sa discrétion.
Cl. G.