Dorothée ouvre son club
Télé K7 – 16 Juillet 1988
Depuis septembre dernier, Dorothée, transfuge d’Antenne 2, anime 22 heures d’émission hebdomadaire en direct sur TF1. Un exploit reconnu par les Américains !
Chanteuse et présentatrice, elle est la star préférée des enfants. Pourtant, aurait-elle réussi à mener la même carrière seule ? Certainement pas. Derrière Dorothée se profile une société, AB Productions, co-dirigée par Claude Berda et Jean-Luc Azoulay. « Lorsque la direction de TF1 nous a proposé de nous occuper de la tranche jeunesse, nous avons accepté, déclare Claude Berda. À condition d'en assumer les responsabilités à 100 %. » AB Productions était au départ une société à vocation purement discographique : au catalogue, outre Dorothée, on trouve Jacky et Emmanuelle. « Nous avions ressenti l'obligation de diversifier nos activités depuis plusieurs années, reprend Claude Berda. En créant une filiale de distribution de films, c'était un démarrage. La télévision, une suite logique. » Depuis que AB Productions a signé un accord de travail avec TF1, la société fournit donc 22 heures de programmes par semaine... Et vend des millions de disques grâce à cette fabuleuse vitrine. Aujourd'hui, AB Productions emploie 60 personnes à temps complet, et dresse 180 fiches de paie chaque mois. Comme le résume Claude Berda, « Pour être un producteur, il faut être puissant. Pour avoir cette puissance, il est important de créer du volume. À chacun de juger de la qualité ! »
Selon Claude Berda, les grands bénéficiaires de l'explosion de la télévision sont les Américains, « car la majorité des producteurs français sont en situation d'infériorité par rapport à eux. Et on ne fait rien pour que cela change. N'allons pas nous plaindre ensuite si nous sommes envahis par des dessins animés japonais ou américains. » AB Productions souhaitait justement produire 13 heures de dessins animés de conception nationale, au coût de 1,5 millions de francs l'heure. Elle a préfinancé la première heure... et n'a pu obtenir l'aide du CNC pour les suivantes. « Résultat, j'ai cessé la réalisation de cette série, et nous avons encore régressé dans ce genre de production. »
Des contrats américains
Cependant, Claude Berda ne se décourage pas , fort de ses réussites en France, Certains networks américains l'ont d'ores et déjà contacté. « Dès que des contrats fermes seront signés avec eux, nous pourrons relancer la produc tion de dessins animés en France, puisque nous aurons des débouchés autres que notre pays. Les Français sont des concepteurs géniaux, mais ils ne savent pas vendre leurs produits. Nous, nous raisonnons à l'envers. »
On a également accusé Dorothée de « truster » les émissions enfantines sur la Une. La réponse de Claude Berda est cinglante : « Il était hors de question de nous lancer dans cette aventure, incertaine au départ, sans quelques garanties. Quel est notre rôle ? Nous devions faire grimper l'audience de la Une, et la transformer en chaîne leader dans le secteur "enfance". Nous avons réussi : en moyenne, nous captons plus de 50 % de l'audience, alors que les gamins représentent un public particulièrement délicat. Il est normal que nous bénéficiions aujourd'hui d'une certaine considération. Et tant que l'audience se maintiendra, il en sera ainsi. D'ailleurs, au lieu de nous attaquer, ou de démolir Dorothée en permanence, les médias français devraient être ravis de notre succès. Nous ouvrons la voie ! » La société négocie en ce moment avec différents pays - le Maroc, le Canada et la Belgique - la vente d'émissions « clés en main », avec ou sans Dorothée. « Nous avons la possibilité de travailler avec les autres chaînes en France. Mais, nous ne le souhaitons pas pour le moment. En revanche, l'étranger ouvre des débouchés intéressants. À nous de savoir saisir les opportunités. »
Gérard Lasnier