Je ne suis pas une fée
Le Parisien – 18 janvier 1992
Avec ses vingt-six heures de télé par semaine, son journal, ses disques, elle exaspère quelques grands, mais les petits lui restent fidèles. En rockeuse, elle les attend dès aujourd'hui à Bercy. Auparavant, elle a bien voulu se prêter au jeu acide de la vérité.
« Le Parisien ». De plus en plus rockeuse... pour sacrifier à la mode ?
Dorothée. Pas du tout. Je ne la suis jamais, à part peut-être un petit rap pour faire plaisir aux « copains » ... C'est comme ça que j'appelle mon public. Le rock, j'adore ça. Eux, ils aiment bien. Tant mieux !
« L.P. ». Qu'avez-vous dans votre discothèque, et, plus jeune, quelles étaient vos idoles ?
D. Je n'ai pas de discothèque... Il me faudrait une semaine pour tout ranger... J'écoute tout ce qui passe... Gamine, j'étais folle de Fred Astaire, de Shirley McLaine et Marie Laforêt. Puis j'ai adoré Paul Simon et les Beatles. Mais je n'avais rien d'une groupie. Pas de poster, par exemple ! Ma chambre était recouverte d'un tissu hyper-coloré, sans rien dessus.... Ça n'a pas changé.
«L.P. ». Ce sont des impératifs commerciaux qui président à votre nouveau spectacle à Bercy ?
D. - C'est un besoin personnel, un moyen de se faire plaisir. L'argent, on risque d'en perdre ! La télé me frustre un peu. Les frissons, c'est face aux gens qu'on les ressent. L'année dernière, par exemple, avec « les Musclés », on s'est offert une petite tournée spontanée. Très égoïstement. Juste pour se ressourcer
« L.P. ». Parce que vous préférez les comptes aux contes ?
D.-Oh ! que non ! Quand on me demande combien je gagne, je ne le sais même pas. Si l'argent m'intéressait, j'aurais demandé quelques parts à mes producteurs.
« L.P. ». Aucun goût de luxe, alors ?
D. Pas de Ferrari, pas de diamant... Ah, si ! Parfois, je dévalise les boutiques de tee-shirts et de jeans... Je me suis offert aussi le Concorde, et j'ai un appartement sympa... mais pas gigantesque.
« L.P. ». Où vous vivez seule... Pourquoi ?
D. Seule, j'y suis trop rarement pour me plaindre quand cela arrive. J'en profite au contraire pour ne plus parler, pour changer et rechanger mes meubles de place, pour dévorer ce qui passe à la télé, tout y compris les séries les plus nulles sauf les débats politiques. Et puis, j'adore ranger ma collection de canards, mon bric-à-brac de souvenirs...
« L.P. ». Et les hommes ? Vous les cachez ou vous les détester ?
D. Ma vie privée, c'est la seule chose que je cache... Mon seul secret... Mais, ne vous inquiétez pas, j'ai une existence tout à fait normale !
« L.P. ». - Sans enfant, en tout cas...
D. Rien n'est joué. Et si le destin ne le voulait pas, ce serait une tristesse compensée
par tous les enfants qui me côtoient... Finalement, je profite de leurs meilleurs côtés.
« L.P. ». — Vous qui voyagez beaucoup, trouvez-vous que les enfants d'ailleurs sont les mêmes ?
D. — Oui, mais ceux qui connaissent moins de choses - les petits Chinois, par exemple- sont encore plus ouverts à tout.
« L.P. ». — Star en Chine, c'est parce que vous menez tout le monde à la baguette ?
D. C'est par hasard, à cause d'une vidéocassette... Là-bas, ils me prennent pour une chanteuse de hard-rock, et ils aiment ça. Quant à la fameuse baguette, je suis peut-être un peu sévère, mais pas odieuse. Enfant, j'étais chef de bande entourée de garçons. Après, je suis devenue chef de classe. C'est comme ça. Je crois à une certaine discipline en matière d'éducation aussi. Le seul danger, c'est de bien doser pour ne pas les rendre timides.
« L.P. ». Si vous aviez un enfant, honnêtement, préféreriez-vous qu'il écoute la Mano Negra et Henri Dès, ou seulement du Dorothée ?
D. Sur ce plan, il ferait ce qu'il voudrait. Moi, j'aime bien Henri Dès, mais j'aime aussi Henri Salvador et, toute petite, je chantais Brassens et Brel. Je me souviens que j'étais très embêtée parce que, dans la chanson de Brel « les Bourgeois, c'est comme les cochons », je ne savais pas ce que voulait dire « bourgeois » ! En fait, vous savez, je ne force pas les enfants à aimer quoi que ce soit.
« LP. ». Même avec vingt-six heures de programme par semaine sur TF 1 ?
D. Quand mes << copains >> me diront d'arrêter, j'obéirai immédiatement.
« L.P. ». Et la violence des dessins animés japonais ?
D. Savez-vous qu'ils sont créés sous le contrôle de psychologues. Pensez-vous, autrement, que je prendrais le moindre risque ? Les enfants portent sur les choses un regard qui leur appartient. Ils ont un sens critique très sélectif.
« L.P. ». Que pensez-vous des adultes qui vous critiquent ?
D. Certains d'entre eux ne m'ont jamais regardée, ça c'est énervant. D'autres sont jaloux. De toute façon, on ne peut pas plaire à tout le monde et je respecte les goûts de ceux qui, objectivement, ne m'apprécient pas.
« L.P. » Et savez-vous pourquoi beaucoup d'enfants vous apprécient ?
D. Pas vraiment et c'est très bien comme ça. Peut-être aiment-ils que je ne compose jamais. Que je livre en vrac mon côté clown et mon côté sérieux.... Avec à peu près le même âge qu'eux.
« L.P. ». - Quarante ans dans dix-huit mois, cela vous fait peur ?
D. Je m'en fous ! Je compte encore sur mes doigts pour savoir mon âge. Je suis bien dans ma peau. Je ne me sens pas vieillir. Un jour, on va m'appeler << mamie Dorothée >> sans que j'aie vu le temps passer.
< L.P. ». Animerez-vous alors des émissions pour le troisième âge ?
D. Pourquoi pas ? Dans l'univers de mes « copains », il y a déjà leurs grands-parents. Ce sont d'ailleurs les grand-mères qui racontent les plus belles histoires...
« L.P. ». Vous vous sentez une âme de fée ?
D. Je ne suis pas une fée. Je vis dans le rêve depuis toujours mais je me sens plus moderne que les fées.
Propos recueillis par Alain Morel
La plus grande scène française
CENT TRENTE personnes, dont les Musclés, quatre autres musiciens, deux choristes, huit danseurs et un groupe congolais vont contribuer à faire du spectacle de Bercy, qui commence ce soir pour se terminer le 2 février, l'un des plus importants jamais produits.
S’il signe lui-même la mise en scène, le producteur Jean-Luc Azoulay n'a pas lésiné sur les moyens. Rouveyrollis aux éclairages avec 10 000 projecteurs et trois lasers nouvelle génération, des décors somptueux reconstituant des gradins à la romaine et la plus grande scène jamais montée en France... Pas question de se contenter du tremplin qu'assure habituellement la scène (12 millions d'albums vendus en onze ans et quatorze disques).
Suivra une gigantesque tournée à travers le monde, de Tahiti aux Caraïbes, en passant par les Antilles, la Chine ou l'Australie.
A.M.