Dorothée : "Je suis du signe de la femme-enfant"
Télé Star – Avril 1985
Dans son bureau, Dorothée a installé tous les personnages qu’elle aime, comme les millions d’enfants qu’elle retrouve chaque semaine sur A2.
Avec ses huit millions de disques vendus et ses cinquante lettres de petits admirateurs par jour, Dorothée fait désormais figure d'idole des tout jeunes. Son secret? Elle a gardé la fraîcheur de l'enfance..
Premier rendez- vous reporté, deuxième rendez-vous manqué... En ce mo- ment, passer, ne serait-ce que quelques instants, avec Dorothée tient de l'exploit. On ne peut la voir qu'au bureau, entre deux essayages pour le « SVP Disney » du dimanche et les dernières retouches de son buste qui va prendre place parmi les stars du musée Grévin. Lorsqu'on franchit le seuil de sa société de production, on peut apercevoir par les portes entrouvertes, les bureaux luxueux de son producteur, le bureau du responsable du cinéma, celui des Schtroumpfs, celui où Dorothée répète et, tout au fond, du couloir, la pièce ronde qui domine l'avenue Kléber dont elle a fait son coin. Le bureau Louis XVI est encombré de lettres, photos, gadgets. Au sommet d'une pile de courrier trône une boîte de chocolats, vide. Devant la fenêtre, il y a des peluches, dans la bibliothèque des albums de bandes dessinées. Dorothée râle: «Il faudrait ranger. C'est incroyable un désordre pareil!» Son producteur promet que ce sera fait dans les meilleurs délais. Dorothée, P-DG? Elle refuse d'une moue cette appellation. « Les affaires, ça m'ennuie, l'argent, je n'y connais rien, j'y comprends rien, et cela ne m'intéresse pas. »
Alors nous avons parlé de l'île Maurice où elle a passé les quinze derniers jours et d'où elle a ramené un joli teint caramel. «Depuis janvier 84, je n'étais pas partie en vacances, j'en avais vraiment besoin. Les premiers jours, je n'ai rien fait du tout, après j'ai lu. Je ne me souviens plus du nom du bouquin... mais l'histoire était très bien. Vers la fin du séjour, j'ai fait du sport. Pour la première fois je me suis essayée au squash et au ski nautique. A Paris, je n'en ai guère le temps. » Car Dorothée, aujourd'hui, quoi qu'elle en dise, est une super businesswoman, si l'on en juge par les chiffres: huit millions d'albums, le record de ventes. Grâce à ses rendez-vous hebdomadaires, elle retrouve plusieurs millions d'enfants qui viennent ensuite voir ses spectacles. Cette année, en plus de la nouvelle émission qu'elle va animer toute seule le mercredi matin, « Récré A2 matin», elle prépare un nouveau spectacle de fin d'année et espère faire une tournée d'été en attendant que l'écriture du film d'aventures, dont elle sera bientôt la vedette, soit terminée. Beau programme qui pas l'air de lui procurer la moindre angoisse. « Je n'ai jamais l'impression de travailler. Je joue avec les enfants. Je m'amuse sincèrement. »
«J'adore faire des bêtises »
Le mercredi matin, Dorothée occupera l'antenne pendant deux heures, au gré de sa fantaisie. Entre les dessins animés, elle a décidé d'introduire différentes rubriques. « D'abord, une rubrique courrier car je n'ai plus le temps de répondre à tout le monde. Je reçois à peu près cinquante lettres par jour. Je demanderai aux enfants de me faire des suggestions, de me dire s'ils ont envie de voir tel ou tel invité avec moi. Je ne prépare pas du tout mes interventions. La veille au soir, je sais à peu près de quoi je vais parler. Le matin même, je choisis ma tenue du jour et, selon l'humeur, je parle de telle ou telle chose. » Depuis douze ans que Dorothée fait de la télévision, elle a constaté que les enfants ont beaucoup changé. «Ils sont plus ouverts, moins timides. Le jeudi matin, tous ceux que je rencontre me font un compte rendu de l'émission de la veille: "Tel costume ne te va pas", "J'aime bien ce dessin"...» Son visage est perpétuellement en mouvement, elle fait des grimaces, change de ton, fait une mimique, prend un ton de bébé et redevient sérieuse le temps de réfléchir à quelle héroïne elle aimerait le plus ressembler au cinéma. «Non, je ne sais pas. C'est déjà difficile d'être soi. »
Qui est-elle, justement? «J'ai plutôt le genre sale gamine. J'ai quatre ans de mentalité. J'adore faire des bêtises, surtout dans les trucs officiels. Par exemple, dans l'ascenseur, quand je suis avec des gens, au moment de descendre, je lève le doigt et je dis avec une toute petite voix: "M'sieur, est-ce que je peux sortir?" Ça surprend. Au restaurant, je m'amuse avec les serveurs. Le plus drôle, c'est dans les grands restaurants, je n'aime pas être habillée, je suis très gamine... »
Non, le style vamp c'est pas son truc, les grosses voitures non plus puisque la
Cadillac d'où je l'ai vue surgir n'est pas à elle. «Je prends très souvent mes repas au restaurant, cela fait un trou dans mon budget. Quand je passe devant un magasin, je le vide et je remplis mes placards, mais je vis assez simplement. »
Une intoxiquée de la télé
« Son activité préférée, c'est de regarder la télé. « Si vous allumez un poste devant moi, je peux rester pendant des heures à regarder les programmes. Surtout les séries... j'adore, ça va vite, c'est simple. Le soir, quelle que soit l'heure à laquelle je rentre, je regarde un bout d'émission. Quand je suis libre, le samedi, je me fais des sandwiches au saucisson et je m'installe dans le canapé devant mon poste, c'est formidable. Je ne sors pas souvent, je n'aime pas beaucoup aller dans des boîtes. Quand je vais dans un dîner, très vite je joue avec les enfants. C'est à celui qui fera le plus de bêtises; se jeter des verres d'eau à la figure, c'est drôle, surtout quand c'est défendu. »
Rassurez-vous, quand il faut être sage, Dorothée m'a affirmé qu'elle savait se tenir impeccablement, comme sa maman le lui a appris. « L'éducation, c'est très important. J'ai reçu une éducation stricte et j'en garde le souvenir, même si je mets mes pieds sur le canapé.
D'abord, c'est mon canapé et, en plus, c'est celui du bureau... »
Elle prend un petit air têtu, s'assied en tailleur. Visiblement, elle a envie de bouger, de faire autre chose, mais elle attend, docile. « Il faut me prendre comme je suis. Incapable de dissimuler, si dans une réunion je m'ennuie, ça se voit, si j'ai envie de dire n'importe quoi, je le fais. Chez le président de la République, je ferais attention bien évidemment. Je suis une adulte mais mon signe m'influence beaucoup: cancer, le signe de la femme-enfant. »
C'était donc là le fameux secret de ce succès qui ne se dément pas auprès des trois à douze ans, chères petites têtes blondes qui, infailliblement, reconnaissent parmi les adultes ceux qui ont gardé la fraîcheur de l'enfance...
C.V.T.
PHOTO BOURGUET
Dorothée et son buste en plâtre qui entrera bientôt au musée Grévin.