La femme d'affaires
L'Alsace - 1988
Les vedettes de télévision ne sont plus celles qu'elles étaient. Exécutantes, pot de fleurs, petites cervelles ? Non. Elles entrent dans les télévisions privées, bobines sous le bras et contrats en béton. Meilleur exemple : Dorothée.
Avec une moyenne Audimat de 11,3 points d'audience chaque mercredi après-midi sur TF1, Dorothée dépasse largement les résultats des émissions jeunesse d'Antenne 2 (entre 3 et 5 points). Transfuge de la deuxième chaîne, où elle fit les beaux jours des tout-petits durant plus de dix ans, Dorothée est arrivée en mai dernier sur TF1 avec son équipe au grand complet. Quand on est star, on a même un PDG de maison de production TV.
Le nouveau paysage audiovisuel a imposé un changement radical : les vedettes se proposent aux chaînes de télévision avec leurs propres produits en boîte. Mais Dorothée est la seule dans son genre : chanteuse, comédienne, présentatrice et conseillère technique sur TF1. « Nous produisons des émissions clé en mains, affirme Claude Berda, l'un des responsables de la société AB Productions qui a toujours produit Dorothée. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui nous a poussés à accepter l'offre de Francis Bouygues. Nous rêvions de cette indépendance depuis des années, mais elle était impensable sur une chaîne publique. »
Riche, célèbre et... libre
En débarquant sur TF1, les responsables de AB tentaient un coup de poker. Certes, ils avaient acquis leur liberté, mais ils se posaient la question de savoir s'ils auraient les moyens de la gérer. « Nous produisons 600 heures d'images par an, poursuit Claude Berda. « Dorothée Matin » le mercredi matin, « Club Dorothée » les mercredis après-midi, « Dorothée Dimanche » et le « Jacky Show ». En trois mois, nous avons dû aménager notre propre studio, engager de nouvelles personnes, et acquérir des programmes. C'est pourquoi nous nous sommes rendus en août dernier aux Etats-Unis. »
Première émission, on s'en souvient, le mercredi 2 septembre dernier. Immédiatement, le succès est au rendez-vous ! A la vue des évènements qui ont remué le petit monde de l'audiovisuel, les dirigeants de AB tirent la conclusion suivant : Dorothée est la seule star de télévision ayant réussi à entraîner son public derrière elle. « Dorothée a assis son image en élargissant son audience. Aujourd'hui, l'âge de ses fans évolue entre 5 et 15 ans. Elle est perçue comme la grande soeur, celle à qui l'on peut tout confier. Je pense que c'est la raison essentielle de son succès. »
Le marché étranger
Si les résultats sont excellents, les critiques ont été virulentes. L'ensemble des séries et des dessins animés diffusés lors de ces émissions sont en effet d'origine étrangère, principalement américaine et japonaise. Claude Berda accepte ces reproches : « Mais nous n'avions pas le choix. La production française ou européenne n'est pas développée. Quelle société aurait été en mesure de nous fournir 50 heures de fiction ? En accord avec des entreprises européennes, nous allons effectuer d'ici à quelques mois, des co-productions. A notre tour, nous serons en mesure d'exporter. Les talents existent. Il est tout à fait anormal qu'ils ne soient pas en mesure de s'exprimer.
En 1986, le chiffre d'affaires de la société AB Productions était assuré à plus de 65% par les activités discographiques. Dorothée, bien sûr, mais également Jacky et Emmanuelle. Les choses ont évolué. Désormais, l'audiovisuel a pris le pas sur le disque ! Et Claude Berda ne compte pas s'arrêter en si bon chemin : « Avec le développement du câble, des chaînes thématiques verront le jour. Nous comptons bien ne pas louper le coche. »