Le rêve de Dorothée : avoir des jumeaux
13 décembre 1983
Blonde, 1,58 m, 40 kg, 29 ans, minois de grande gamine, sourire malicieux, cheveux en baguettes : en l'espace de quelques années, Frédérique Hoschedé, alias Dorothée est devenue la madone des maternelles, ex-æquo avec Chantal Goya. Son terrain d'action préféré : la télévision. Un très bon indice d'écoute et côté chiffres un carton (4 millions de disques vendus !).
Normal alors qu'Antenne 2 lui ait demandé d'animer le super- show de la nuit de Noël, mis en scène par Robert Rea. Normal encore qu'elle y soit entourée du nec plus ultra-TV : Philippe Bouvard, Michel Drucker, Bernard Pivot, Patrick Simpson-Jones et... côté show-biz : Jane Birkin, Karen Cheryl, Carlos. Ne serait-ce que cela ? Non ! A partir de mercredi, Dorothée, égérie des moins de 10 ans, présente une comédie musicale sous un chapiteau de 3.000 places au Champ de Mars. Un spectacle patronné par Europe 1 et qui porte le nom d'un de ses tubes « Pour faire une chanson ». De quoi assurer son image de marque et arrondir son compte en banque.
« Heureuse ! s'exclame-t-elle en riant. Si je devais uniquement me contenter de ce que m'offre Antenne 2... : 2.000 F par émission ! » Et d'ajouter taquine : « De toute façon, mon argent, je n'ai pas le temps de le dépenser, il passe essentiellement dans les voyages et les sacs à mains. J'en possède une centaine, une folie, n'est-ce pas ? »
Dix kilos de plus
Dorothée, enfant gâtée ? Pas du tout. Pas son genre et puis quand on s'est battue pendant des années pour arriver, on a bien le droit de s'offrir quelques folies. Pour l'anonyme Frédérique Hoschedé, tout a commencé sur les bancs du lycée, où en classe de terminale, elle participe « pour du beurre » dit-elle, aux représentations théâtrales de fin d'année. Le temps passe. Frédérique prépare une licence d'anglais à l'université de Censier. Un matin de 1979 le téléphone sonne. Au bout du fil, Jacqueline Joubert lui propose d'animer les premiers « mercredis de la Jeunesse » sur TF 1: quatre heures d'émission hebdomadaires au cours desquelles elle a pour partenaire une marionnette. « J'avais un trac fou, avoue-t-elle, dix ans de moins, dix kilos en plus. Mon premier contact avec les enfants. Entre eux et moi, ça a tout de suite marché. Je crois qu'ils ont senti que j'étais sincère avec eux. »
A peine les jeunes téléspectateurs commencent-ils à se familiariser avec Dorothée que pour elle l'horizon s'obscurcit. En 1974, c'est l'éclatement de l'O:R.T.F. L'émission prend fin. « Vous n'êtes pas faite pour ce métier lui dit-on ». Pas rancunière, elle déclare aujourd'hui avec un brin d'ironie « tout le monde peut se tromper » : N'empêche. Dorothée connaît alors une période de vaches maigres : huit mois de chômage pendant lesquels elle court les petits cachets et fait tous les métiers.
Heureusement, un concours de speakerine à Antenne 2 la sort de cette mauvaise passe. Une fois encore, c'est Jacqueline Joubert, « ma deuxième maman dit Dorothée » qui l'avertit. Admise, Dorothée retrouve du même coup ses petits compagnons, grâce à « Disney Dimanche » et « Récré A2 ». Un bonheur n'arrivant jamais seul ! François Truffaut lui propose alors un rôle dans « l'Amour en fuite ». « D'abord j'ai cru à une mauvaise blague, dit-elle. Quand j'ai compris que c'était bien lui, j'ai piqué un de ces fards ! »
Deux ans plus tard, Dorothée tourne « Pile ou face » de Robert Enrico, avec Philippe Noiret et Michel Serrault. Depuis, côté cinéma plus rien. Pourtant ce ne sont pas les suggestions qui manquent, « mais on me propose toujours des rôles d'institutrice ou de speakerine gnangnan, proteste-t-elle. Que les enfants me prennent pour leur grande sœur d'accord. Mais les adultes ! De surcroît des professionnels. Ils m'imaginent toujours en jupe plissée et en socquettes blanches. Je suis capable d'exprimer des sentiments. Alors tant pis pour le cinéma. J'attends... »
Ce qui n'empêche pas Dorothée de poursuivre son petit bonhomme de chemin. Après avoir enregistré son premier disque « Dorothée au pays des chansons », les succès se suivent : « Rox et Rouky » se vend à plus d'un million d'exemplaires. Pareil pour « Hou la menteuse » et c'est déjà bien parti pour les deux nouveaux albums qu'elle vient de sortir pour Noël. Dorothée, vedette. Comme dans les contes on pourrait dire « elle fut heureuse et eut beaucoup d'enfants ». Mon rêve, dit-elle, serait d'avoir des jumeaux ! »
JEAN-PIERRE LACOMME