On connaît mieux leur voix que leur visage. Elles se tiennent derrière les vedettes de la chanson. Ce sont des choristes. Et leur rêve est de sortir de l'ombre pour rejoindre le devant de la scène. Ex-Fléchettes de Claude François, le groupe Cocktail Chic espère décrocher la timbale à Bergen, en Norvège.
 

Elles défendront nos couleurs au grand prix de l'Eurovision. « Elles », ce sont Dominique, Catherine, Martine et Francine, les quatre femmes qui forment le groupe Cocktail Chic. Avec une chanson « Européennes » (composée par Georges et Michel Costa), ce quatuor féminin espère porter haut le flambeau de la chanson française. « Pour nous, avoir été sélectionnées parmi deux cent cinquante concurrents (quatorze à l'issue des éliminatoires à la télévision) est à la fois une joie et une lourde tâche. Nos atouts ? A priori, nous devrions être le seul groupe 100% féminin. De plus, il s'agit du trentième anniversaire de l'Eurovision. Or, il se déroule un 3 mai et nous passerons en troisième position. C'est peut-être un signe... »
Cocktail Chic, c'est une affaire de famille. Dominique et Catherine sont sœurs, Martine et Francine, cousines. Et toutes quatre sont également cousines. Chacune a poussé son premier cri dans la même clinique celle du père Corentin, dans le quatorzième arrondissement -, chacune a épousé un musicien et chacune est mère de famille. Leur association ne date pas d'hier. Comme beaucoup d'adolescentes, elles appréciaient la chanson. Très souvent, elles s'amusaient à reprendre les « tubes » de l'époque lors des différentes réunions familiales.
« Nous avons toujours eu le même but : faire de la chanson notre métier. Nous avons alors suivi des cours de chant, puis, quelques années plus tard, Claude François nous a remarquées. C'est ainsi que nous sommes devenues « les Fléchettes »
Eh oui ! Cocktail Chic et les Fléchettes ne font qu'un. Souvenez-vous : autour de Clo-clo il y avait les Claudettes, ses danseuses. En retrait, les Fléchettes ses choristes. « A la différence des Claudettes, qui étaient régulièrement renouvelées, nous avons suivi Claude durant toute sa carrière. Nous ne l'avons quitté que quelques mois avant sa tragique disparition. Professionnellement, il nous a pratiquement tout appris. »
Depuis, Dominique, Catherine, Martine et Francine ont acquis une grande notoriété en tant que choristes. Elles ont travaillé, en gala ou en séance d'enregistrement, avec Sheila, Joe Dassin, Sylvie Vartan, Michel Sardou, Johnny Hallyday, Jean-Jacques Goldman, Nana Mouskouri. Elles ont accompagné Mireille Mathieu lors de son récent passage au Palais des congrès. Jean-Luc Lahaye a fait appel à elles pour les chœurs de « Papa chanteur », Serge Lama pour ceux de son nouvel album, « Portraits de femmes ». Elles ont ainsi enregistré un nombre incalculable de disques combien ? Elles ne le savent pas elles-mêmes et, de tournée en tournée, parcouru des dizaines de milliers de kilomètres. En France comme à l'étranger. Individuellement, elles ont prêté leur concours à des « jingles » publicitaires ainsi qu'à des génériques d'émissions de télévision.
Francine a vanté les mérites d'une marque d'huile, Dominique a offert sa voix à « Candy » et « Au village dans les nuages ».
« Notre métier est intéressant mais assez frustrant. Alors qu'à l'étranger les choristes sont reconnues et choyées, en France on a tendance à les minimiser. S'il est légitime d'être discrètes, de s'effacer derrière la vedette, cela prend parfois des proportions incroyables. A quelques exceptions près, on a tendance à nous traiter comme des potiches. Nous nous souvenons d'un spectacle où nos micros n'étaient même pas branchés. Le chanteur nous craignait !... Par ailleurs, nous ne devons pas être trop élégantes : l'attention du public risquerait d'être détournée... Enfin, et pour nous résumer, lors de nos diverses prestations, galas ou télévision, une question revient comme un leitmotiv : "Où allons-nous les placer?" Révélateur non?»
«Jamais nous ne nous séparerons »
Un zeste d'amertume à travers ces propos. Tout en reconnaissant qu'il ne faut pas généraliser « certaines vedettes nous font la part belle » elles comprennent mal cette attitude. C'est pourquoi les Fléchettes ont tenté une carrière en solo. Il y a une dizaine d'années, elles ont enregistré trois disques. Seul « Une fille est toujours belle » a connu un certain succès.
« Ce n'est pas facile d'expliquer les raisons de cet échec, dit Dominique. Peut-être n'étions nous pas mûres ? Daniel Balavoine, Alain Chamfort, Danièle Licari, Peter et Sloane, tous anciens choristes, se sont battus pour sortir de l'ombre. Ils avaient la rage de vaincre. Nous, pas assez. En fait, c'est probablement une question de tempérament. »
Aujourd'hui, rebaptisées Cocktail Chic, Dominique, Catherine, Martine et Francine tentent à nouveau l'aventure. En espérant réussir. Sinon, elles reprendront leur métier de choristes. « On verra bien, concluent-elles. L'essentiel est de chanter ensemble. Jamais nous ne nous sommes séparées, jamais nous ne nous séparerons. »

GÉRALD LEVRAULT
PHOTO MARC SEGUIN