Dorothée: Pour elle, Noël sera un marathon
Télé Star- 22 Décembre 1985
Dorothée aime changer de costumes et de visages. Vous la retrouverez cette semaine dans
« Récré A2», sous des apparences diverses, de g. à dr.: marquise Louis XV, corsaire, star, paysanne, moyen âgeuses femme des cavernes à perruque rousse et danseuse des années folles.
Idole des plus petits, reine des sondages, plusieurs fois disque d'or, Dorothée espère très vite remonter sur une scène et rêve de tourner un grand film familial dans lequel elle séduirait aussi bien les parents que les enfants.
Animatrice préférée des enfants, ainsi que nous l'annoncions dans le sondage que nous avons publié fin novembre, Dorothée ne pouvait manquer le rendez-vous de Noël avec ses petits admirateurs qui la retrouveront tous les jours pendant les fêtes. Invitée ce soir à 20 h 35 par Michel Drucker à « Champs-Élysées », elle viendra chanter pour les plus grands ses nouvelles chansons que les petits connaissent déjà par cœur. Une aventure qui a dé-
buté en 1980 et dont elle est très fière. « Tout avait pourtant très mal commencé. Comme tout le monde, je chantais dans ma salle de bains, mais de là à enregistrer un disque, il y avait une marge. Je pensais ne pas en être capable. Jean-Luc Azoulay, qui est mon producteur depuis, m'a convaincue. C'était un conte musical, il y avait deux chansons. Et puis, c'était une manière comme une autre de me déguiser car j'adore changer de costume, d'époque, de tête. Il y avait
autour de moi la bande de "Récré A2". J'ai tenté le pari. »
Dans la foulée, elle remporte quelques disques d'or et caracole en tête des ventes. La petite speakerine est devenue une vedette de la chanson. Elle avait déjà prouvé qu'elle savait jouer la comédie ailleurs qu'au petit écran puisque Robert Enrico et François Truffaut lui avaient donné sa chance au cinéma. Elle se souvient de cette dernière rencontre: « Au moment de "L'amour en fuite", François Truffaut me convoque pour le film. Il m'avait vue à la télévision. Il m'annonce d'emblée: “Je sais que vous pouvez le faire et vous allez le faire." Je n'en avais pas très envie, mais il m'a persuadée... J'ai donc joué le jeu. J'ai commencé à apprendre mon texte, en bonne élève, puis, peu à peu, nous nous sommes mieux compris. Lorsque j'arrivais sur le plateau, il venait vers moi et me tendait ma feuille où il y avait le nouveau dialogue. J'étais surprise. François Truffaut avait réécrit le dialogue avec mes expressions et mes mots de tous les jours. Quel homme curieux! Il faisait sortir des gens ce qu'il en voulait. »
Dès lors, Dorothée, l'idole des enfants, est devenue une comédienne à part entière. Pour sa deuxième expérience, elle partage la tête d'affiche avec Michel Serrault et Philippe Noiret dans « Pile ou face» de Robert Enrico. « Lorsqu'on se retrouve face à deux monstres sacrés comme Serrault et Noiret, on est sûr d'apprendre quelque chose. Pourtant, le rôle était simple puisque je jouais un personnage que je connais bien, celui d'une speakerine. Je ne me sentais pas vraiment comédienne. Mais je m'y suis mise, aidée par Robert, Enrico, Philippe Noiret et Michel Serrault. Et puis, cela ne m'était pas facile de dire le texte qu'avait écrit Michel Audiard. » Dorothée a tout de même supporté l'épreuve et passé avec succès l'examen de passage du cinéma.
Bien qu'il lui fasse les yeux doux, elle préfère attendre et choisir. « J'ai aimé tourner, mais je préfère attendre encore avant de remettre les pieds sur un plateau de cinéma. Je suis exigeante et je ne veux pas faire n'importe quoi. Je suis très occupée par la télévision, la chanson, aussi le cinéma attendra-t-il un peu. Maintenant, je sais ce que je ne veux pas faire. Je sais que je suis quelqu'un que le public aime, aussi bien les parents que les enfants, et je ne veux pas les décevoir.
Le prochain film que je tournerai sera donc un spectacle familial que tout le monde pourra voir. Il ne faut pas se laisser prendre aux airs de petite fille qu'elle sait si bien prendre. Dorothée constitue une entreprise sérieuse qu'elle mène de main de maître aux côtés de son producteur Jean-Luc Azoulay, que certains trouvent un petit peu trop omniprésent. Elle tient à mettre les choses au point. « Jean-Luc c'est un producteur. Il m'est indispensable, car je ne sais pas travailler seule. J'aime avoir une équipe autour de moi. C'est sans doute à cause de la télévision. Pour que l'émission soit réussie, on doit tous s'y impliquer, depuis le producteur jusqu'au machiniste. »
Avec les enfants, je ne triche pas
Encouragée par ces succès, Dorothée a redécouvert la scène. « J'ai débuté à dix-sept ans au lycée où j'avais monté ma petite troupe. Nous jouions alors les classiques. C'est ce qui m'a permis lors d'un concours de rencontrer Jacqueline Joubert, qui a toujours été un soutien pour moi. Mais le vrai départ dans le métier, ce fut "Dorothée au pays des chansons", que j'ai jouée, dansée et chantée en 1981 à l'Olympia. J'étais accompagnée par des musiciens, entourée de danseurs. La scène, c'est grisant. Combien de fois suis-je arrivée, livide, grelottante de fièvre au théâtre! Ce n'était pas le trac, mais la grippe. Dès que j'avais passé la porte de ma loge, rien n'existait plus. La musique, les décors, tout me faisait oublier que j'étais malade. Mais, en sortant, c'était l'horreur.»
C'est cette passion du spectacle qui l'a amenée pendant plusieurs années de suite à animer un spectacle de Noël pour enfants au Champs-de-Mars à Paris. Cette année, Dorothée a mis les pouces. « Rien de ce que l'on me proposait ne me donnait de coup de cœur, alors j'ai préféré ne pas le faire. Je le regrette un peu. J'ai une envie folle de remonter sur scène, de retrouver les enfants. Avec eux, je ne triche pas. Ce sont eux qui ont fait de moi une vedette, alors je ne dois rien leur cacher. Ils le savent d'ailleurs, et ils le sentent. Lorsque je suis de mauvaise humeur, fatiguée, ils me le font savoir. Pourtant j'essaie de cacher mes problèmes. J'ai appris la mort de mon père, un lundi soir, alors que je présentais les programmes, j'ai caché mon chagrin. Le mercredi suivant, j'étais en direct dans "Récré A2" comme si rien ne s'était passé. J'adorais mon père, mais je devais faire mon travail. »
Professionnelle jusqu'au bout des ongles, Dorothée cependant n'existe pas uniquement pour la télévision. A ses côtés, dans l'ombre, un jeune photographe attend avec Roxan, le chien chéri de la vedette. « C'est un garçon intelligent qui a compris ce que représentait le travail pour moi. Il me voit heureuse et cela le réconforte. » Il y a aussi la famille, sa mère, son frère et sa grand-mère. « Nous sommes très proches. Il ne se passe pas de journée sans que je les appelle. C'est devenu un rite. Malheureusement, mes emplois du temps démentiels m'empêchent parfois de les voir. »
Sa famille pourra la voir bientôt sur une scène. Mais, comme c'est un projet, Dorothée reste évasive.
JACQUES SERENA