Patrick Michel - Coiffeur
Patrick Michel, le coiffeur de Dorothée, revient sur quelques souvenirs avec la chanteuse.
"Dorothée et moi n’avions pas besoin de nous parler. Je savais quand on pouvait rire, quand elle se concentrait… J’étais dans sa loge mais je m’occupais des fleurs, je préparais le verre pour l’après concert avec les invités. Au moment de la coiffer, je lui faisais répéter ses chansons, c’était la seule communication que l’on avait à ce moment-là. Elle chantait et je la reprenais quand elle se trompait.
Au fur et à mesure qu’elle se maquillait, elle prenait de l’assurance. Je l’accompagnais jusqu’au bord de la scène, c’était un rituel. En 1992, elle montait sur une espèce de plateforme et jusqu’au dernier moment elle me tenait la main. J’avais l’impression que c’était moi qui montait sur scène tellement elle me passait son stress. Elle me faisait un clin d’œil puis c’était parti.
Je ne regardais pas Dorothée à la télévision car je ne suis pas de la génération Dorothée, moi c’était plutôt Pimprenelle et Nicolas. J’étais coiffeur à Rouen et je suis monté à Paris pour travailler sur un film. J’ai reçu un coup de fil me disant « est-ce que vous acceptez de coiffer Dorothée demain matin ? ». Sur le coup je me suis demandé « Dorothée, Dorothée, c’est LA Dorothée ? ». C’était bien elle ! On était en septembre 87. Et de ce jour-là on ne s’est plus quitté. D’entrée il y a eu une fusion entre nous deux.
Elle avait le trac à chaque entrée en scène, rien n’était acquis. Elle avait même de plus en plus peur : la peur de décevoir son public, de ne pas assurer, de se tromper dans une chanson. La plus dure c’était Ma nouvelle valise, parce que le débit des paroles demande une grande concentration. Mais au final elle s’en sortait bien.
Quand on partait en tournée, mon grand souci c’était de savoir s’il y avait de quoi faire un shampoing à Dorothée. Quelques fois, il n’y avait rien du tout ! Et un jour on s’est retrouvé en cuisine, il y avait 2 bacs : dans le bac de droite la salade qui trempait et je lui lavais la tête dans le bac de gauche. Et on entendait dans la salle « Dorothée, Dorothée », on se disait « si les gens nous voyaient comme ça en cuisine !!! ».
Et puis un jour, aux Arènes de Nîmes, elle était fatiguée par le voyage et n’avait pas envie de chanter Détective privé. A la balance, le producteur lui a dit « on a besoin de répéter pour les musiciens, Patrick va le faire ». Donc je suis monté sur scène, elle était à côté de moi et me soufflait les paroles, j’ai vécu un moment très fort avec les musiciens et les choristes, il y avait une espèce de magie, je me suis demandé si c’était vraiment moi qui chantais.
Un matin où l’on partait pour un concert en Belgique, je me suis rendormi et j’ai raté le car. Dorothée s’est retrouvée sans coiffeur à Bruxelles. Elle s’est rendue dans un salon et a rencontrée Antonia qui les a suivis à Paris et ne les a plus quittés. La production m’a « puni » et pendant 2 ans je n’ai plus coiffé Dorothée. D’ailleurs quand je suis arrivé chez Michel Drucker, Jean Luc Azoulay a rappelé à tout le monde « c’est grâce à Patrick si Antonia est là aujourd’hui ». Maintenant, tout le monde en rie… sauf moi ! Je n’ai pas été pro ce jour-là, je m’en veux encore aujourd’hui.
J’ai mal vécu la fin du Club Dorothée, j’ai fait une petite dépression parce que je n’avais plus cette famille. Mais on pensait qu’il allait se passer quelque chose après, peut être ailleurs que sur TF1… Je lis beaucoup les commentaires des fans, et comme eux nous n’avons pas fait notre deuil de cet arrêt. Pour eux le lundi matin il n’y avait plus le Club Dorothée à l’antenne, et nous à notre niveau on a vécu un grand vide. Je me suis installé à St Martin, j’ai travaillé pour Les vacances de l’amour. J’avais un super appartement qui a même servi de décor à la série ! Ça m’a permis de faire le point. Dorothée nous rejoignait parfois avec Jean-Luc Azoulay pour se reposer, c’était un repos bien mérité !"
Extrait de "Dorothée : Merci pour la récré" - Editions de la Lagune - 2008