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« Pile ou face »

France-Soir – 12 août 1980

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Robert CHAZAL


C'est à un impitoyable jeu du chat et de la souris que nous invite cette fois Robert Enrico, metteur en scène des « Grandes Gueules » et du « Vieux Fusil ». Un jeu d'autant plus fascinant que le Chat (Philippe Noiret), veuf et policier, et la Souris (Michel Serrault), veuf et suspect, obéissent l'un et l'autre à des motivations qui ne seront vraiment expliquées que dans la dernière partie du film.
Il y a donc un double problème. Serrault a-t-il « aidé » sa femme à tomber par la fenêtre ? Noiret s'obstine-t-il à prouver la culpabilité du suspect par simple conscience professionnelle ou par insistance maniaque ? Ce qui brouille encore les cartes, c'est que les deux hommes, adversaires du fait des circonstances, deviennent indispensables l'un à l'autre et sont même tout près d'être de vrais amis.


La solitude
En même temps qu'intrigue policière, ce récit est donc aussi une étude psychologique, celle de deux êtres souffrant l'un et l'autre de la solitude. Ils cherchent inconsciemment ensemble la meilleure façon de panser, peut-être même de guérir, les blessures d'une vie pas tellement bienveillante. Mais si ces deux personnages, ces deux grands comédiens occupent constamment le devant de la scène, l'environnement a aussi son importance. D'abord la ville de Bordeaux, constamment présente, et puis des personnages secondaires mais significatifs. En premier un témoin, une présentatrice de télévision, jouée par Dorothée, qui devient confidente et finit même par être un lien entre les deux hommes. Elle apporte, au second plan, la note de charme et de tendresse qui, sans elle, aurait manqué au film.
Et puis le policier n'est pas seul : il a une fille gentiment attentive, un collègue agressif et des chefs un peu caricaturaux, en tout cas inhumains, tant l'arrivisme ou la peur de perdre un fromage les habitent. Il faut encore compter avec les autres enquêtes menées par les policiers, notamment une affaire de drogue aux répercussions dangereuses pour la « haute société », ce qui donne des scènes cruelles, et aussi un beau morceau de virtuosité pour une suite de descentes rapides dans le monde bizarre des intoxiqués.
Philippe Noiret et Michel Serrault ont fait une composition d'une richesse et d'une sensibilité qui est l'essentiel du spectacle. Leur performance est d'autant plus savoureuse que Michel Audiard a fait pour « Pile ou face » l'un de ses dialogues les plus habiles. Pas vraiment des mots d'auteur mais des répliques vives et qui en disent toujours plus qu'on n'en attend.


Un choix difficile
Dorothée, on l'a dit, est le charme de cette histoire d'hommes. Mais elle n'est pas la seule. Ghilhaine Dubos donne beaucoup de gentillesse au personnage de la fille du policier et Gaëlle Legrand sait nous intriguer et même nous émouvoir dans- un petit rôle de droguée à qui on donnerait du « H » sans ordonnance. Mais ces jolies personnes ne font que passer. Le dernier mot reste au duo Noiret-Serrault. Pile ou face ? Le choix est difficile.

 

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