Pour Dorothée, les moins de dix ans ont cassé les fauteuils de l’Olympia
Le journal du Dimanche – 19 avril 1981
Il était une fois une petite fille de Bourg-la-reine, près de paris, élevée au collège chez les sœurs, dont le tempérament un peu dissipé s’exprimait surtout dans les revues enfantines de fin d’année, où déjà se décelait son amour du spectacle. Elle se nommait Frédérique Hoschedé, son papa était ingénieur et son arrière grand-tante avait épousé le peintre Claude Monet. Actuellement, Frédérique est beaucoup plus connue avec le prénom de Dorothée, notamment par tous les petits enfants de France. Speakerine et animatrice de « récré A2 », elle vient de triompher à l’Olympia (dernière représentation : mardi) avec son show intitulé « Dorothée au pays des chansons ». Après Chantal Goya au palais des congrès, on découvre enfin chez nous l’immense « créneau » des moins de dix ans. L’histoire de Dorothée est-elle même un conte de fée.
_ L’année du bac, j’ai préparé un « Caprice » de Musset avec d’autres élèves, raconte-t-elle. Et nous sommes arrivés jusqu’à la finale du concours Marcelle Tassincourt, à Versailles. Dans la salle se trouvait Jacqueline Joubert. « Vous avez une tête à faire de la télé » m’a-t-elle déclaré. Un an après, elle m’a convoqué pour une audition et j’ai débuté sur la première chaîne dans les « mercredis de la jeunesse » avec la marionnette Blablatus. Ensuite, Christophe Izard prend la responsabilité des émissions pour enfants. Il me dit : « vous n’êtes pas faite pour. » Je ne lui en veux pas, tout le monde peut se tromper…
Mais Dorothée se retrouve au chômage, devient secrétaire, animatrice de supermarchés. Jacqueline Joubert, sa bonne fée, lui redonne se seconde chance. Elle lui conseille de se présenter au concours de speakerine d’Antenne 2. Dorothée est admise et retrouve aussi ses petits téléspectateurs dans « Disney Dimanche », « Dorothée et ses amis » et « Récré A2 ». Un journaliste l’interviewe : « Avec quel metteur en scène aimeriez-vous faire du cinéma ? » sans hésiter, elle répond : « Truffaut ».
Peu de temps après, le téléphone sonne. Truffaut à l’appareil. « Voulez-vous tourner avec moi ? »
_ Je n’en croyais pas mes oreilles, dit-elle, encore rouge de confusion. Je nageais en plein rêve. J’étais dans un nuage, une boule de cristal. Truffaut est tellement calme, tellement doux, qu’il dirige les acteurs sans qu’ils s’en aperçoivent…
Apres « L’amour en fuite », Dorothée joue dans « pile ou face » de Robert Enrico, avec Philippe Noiret er Michel Serrault. Malgré ces débuts prometteurs, les bons rôles se font rares au cinéma : « On me propose n’importe quoi, du comique à la tragédie, mais toujours à côté du personnage que je pense être, c’est-à-dire une jeune femme moderne, active, mais aussi vulnérable, qui a besoin d’être protégée, je crois que ces deux aspects ne sont pas incompatibles »
De toute façon, entre la télévision, le cinéma et les enfants, il faut bien choisir. Et comme les enfants l’adorent, comme elle adore les enfants _ « à propos, je précise que si je compte bien en avoir moi-même plus tard, je n’ai aucune progéniture secrète, comme on l’a prétendu, mon seul « fils » étant Roxan, un Yorkshire de sept mois ! » _ elle s’est fait une joie de leur offrir « Le pays des chansons » à l’Olympia en douze représentations, vingt mille mômes en délire, qui ont déjà cassé cinquante-huit fauteuils, comme au bon vieux temps du rock.
_ C’est le contact direct qui me manque un peu à la télévision. Quand le prince charmant demande : « Est-ce que je peux dire à Dorothée que je l’aime ? », les enfants hurlent : « Oui ! Oui ! »
Recevant déjà mille lettres par semaine, Dorothée voit maintenant arriver le courrier par sacs postaux entiers. Dans la foulée, elle va sortir un album-disque, rêve d’une tournée d’été.
Devient-elle une rivale de Chantal Goya ? « Il n’y a aucune jalousie entre nous, assure-t-elle. Nous n’avons pas le même style et puis il y aura du monde pour distraire les enfants, plus je serais heureuse. »
Patrice de Nussac