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Vite fée, bien fée

Le soir illustré – 26 février 1987

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Dorothée, prononcez donc ce nom devant votre mioche. Aussitôt ses yeux s'illuminent, son petit nez frétille, une chanson lui vient à la bouche. Dorothée déclenche les passions juvéniles, c'est sûr. A l'instar de Chantal Goya, de Douchka, ou de Henri Dès, elle caracole parmi les stars des hit-panades! Rien que le nom déjà. Au départ, elle s'appelait Frédérique. Mais Dorothée est plus mignon, vous ne trouvez pas ? Et puis dans Dorothée, il y a dodo, roro, et «T», une lettre que les enfants en bas âge arrivent à exprimer très tôt. Elle n'y a sûrement pas pensé, mais Françoise Dolto établirait certainement un rapport évident en parlant d'identification inconsciente. D'une vocation, quoi ! Celle qui consiste à avoir un contact épatant avec les juniors. Il faut dire qu'en dix ans de carrière elle a eu le temps de vérifier ce don inné. Quel succès, mes enfants. Depuis qu'elle s'est mise à la chanson, en 1980, elle vend treize disques à la douzaine. « Dorothée et ses amis chantent », « Rox et Rouky » (merci les studios Walt Disney), « Dorothée tambour battant » et aujourd'hui « Maman », encore un fameux ticket qui pénètre dans toutes les chaumières. A la grande joie des gosses qui l'adorent et ne se lassent pas de la regarder à la télé. Ah oui, bien sûr, n'oublions pas le petit écran. L'animatrice de « Récré A 2 » tient le bon bout chaque mercredi au grand dam des chaînes concurrentes qui se rendent compte à leurs dépens qu'il n'existe qu'une seule Dorothée. Son émission enfantine marche très fort et contribue sans conteste à son énorme popularité.
Avec dix millions de disques vendus, plusieurs comédies musicales à son actif, un moment fort sur Antenne 2, Dorothée est aux enfants ce que Patrick Sabatier est aux parents : le chouchou !
Deux yeux qui ressemblent à des Treets, un visage de poupée, fluette comme une allumette, née un jour de fête nationale (le 14 juillet 1953, prédestiné, non ?), Dorothée est un peu la gentillesse vivante. Elle ne ferait pas de mal à une mouche. On dirait une petite fille modèle qui ne se serait pas rendu compte qu'elle est devenue adulte. Mais ne vous fiez pas aux apparences. Dorothée garde la tête sur les épaules. Elle maîtrise la situation et veille à ce que le conte de fées ne s'arrête pas en si bon chemin. Une carrière comme la sienne ne se gère pas au petit bonheur la chance. Même si elle résume toute cette aventure d'un trait de plume : « On s'amuse ! »


On vous voit partout. Etes-vous une toxico du boulot ?
Oui ! Parce que, en fin de compte, je n'ai pas l'impression de travailler. On s'amuse tout le temps. J'ai la chance de faire un métier qui me plaît, ce qui est assez rare. Je n'ai vraiment pas le droit de me plaindre. D'ailleurs, je suis toujours surprise si je n'ai rien à faire. J'ai un horaire excessivement chargé. Entre la télé et la tournée chaque week-end où on se promène un peu partout, il ne me reste pas beaucoup de temps libre.

Que pensez-vous des rapports télé-enfants ? On dit que c'est une véritable drogue ?
C'est sûr que les enfants abusent parfois de la télé. Je crois que si j'avais un enfant, honnêtement, je prêcherais un peu contre moi. On divertit les enfants qui n'ont pas d'occupations annexes, comme un sport ou la danse, ou de se distraire avec des p'tits copains ou d'aller à la campagne pour jouer. On s'adresse au fond souvent aux enfants seuls. Moi, je laisserais regarder, mais sans excès et uniquement les émissions qui s'adressent à eux.


Comment voyez-vous les enfants en 1987 ?
Ah, ça y va. Ils n'ont aucun complexe. En fait, lorsqu'on se parle, j'ai plus le trac qu'eux. Ils sont très vifs. Ça fait treize, quatorze ans que je fais des émissions pour eux, et l'évolution est assez sidérante. Auparavant, ils n'avaient pas le droit de regarder la télévision, alors qu'aujourd'hui ils dévorent, y compris ce qui ne leur est pas destiné. C'est énorme. Ils choisissent eux-mêmes. Ils savent comment fonctionne le magnétoscope. Dans la vie de tous les jours, ils me posent des questions beaucoup plus incisives. Ils participent davantage. Il n'y a plus, comme avant, deux mondes séparés, celui des enfants et celui des grands, qui moi m'exaspéraient. Cela dit, je crains un peu aujourd'hui qu'on oublie trop l'univers des enfants. Ils doivent continuer à rêver. Qu'ils gardent leur imagination. Là réside ma principale angoisse. Pour l'instant, ça va. Mais ils parlent de tout, ils sont au courant de bien des choses. Ils sont moins fermés au monde actuel et vont affronter la vie mieux armés que nous. Mais j'ai peur qu'ils perdent leur côté « sachant rigoler quand il le faut... ». J'ai même l'impression que les enfants deviennent de plus en plus sérieux... et les adultes de moins en moins ! C'est bien de prendre conscience, car ils ont un rôle dans la société actuelle. Il ne faut surtout pas les mettre de côté en les prenant pour des débiles. Qu'on les considère comme responsables mais sans dépasser certaines limites.


Votre spectacle tient compte de l'évolution actuelle des enfants ?
« La Fée vitamine » diffère de ce qu'on présentait avant. Il ne s'agit plus d'une comédie musicale, mais plutôt d'un récital scénarisé. Un tour de chant perturbé par un complice – en fait, c'est Jacky, mon rival et ami de T.F. 1– qui sauvegarde le côté guignol qu'on a toujours eu jusqu'à présent. Il fait très fort réagir les enfants qui, loin de souffrir de timidité, s'entraînent les uns les autres. Mais la musique, par contre, se veut résolument électronique. En fait, je porte deux casquettes : je reprends les chansons traditionnelles sans presque y toucher – « Au clair de la Lune » ne se transforme pas en un rock'n'roll comme les mamies les chantent ; et de l'autre côté, je puise dans mon répertoire, dans la variété populaire. Le plus drôle, c'est que Jacky, qui incarne le directeur de la salle où nous jouons, intervient constamment en prétendant que les gosses n'aiment que les mélodies simplettes et pas les airs actuels. Il se fait huer à tous les coups. Les enfants écoutent toute la musique et on ne leur impose rien. Et puis mon public s'élargit, faut pas l'oublier. Les adultes aussi achètent mes disques.


Comment réussissez-vous à si bien les prendre, les enfants ?
Bien, justement, je ne fais rien. Je leur parle normalement. Je ne les ai jamais pris pour des abrutis ni pour des super-intelligents. J'ai toujours été sincère. C'est pour cette raison qu'on s'entend bien. Ils savent que je m'amuse vraiment, sinon je leur dis. On entame la neuvième saison de « Récré A 2 » et je ne m'ennuie toujours pas. Tant que ça dure, c'est bon. Le jour où je ne m'amuserai plus ou si les enfants me disent qu'ils m'ont assez vue, je partirai. Même si j'ignore pour quoi faire. A ce point de vue-là, je suis un peu autruche, et cigale à la fois. On verra. Je n'ai jamais rien planifié.


Faut-il avoir l'instinct maternel pour faire votre métier ?
Je ne sais pas. Il se trouve que, moi, je suis très famille. Mais je ne suis ni mariée ni mère de famille. Ma réussite ne repose pas sur un pourquoi ou un comment. Personnellement, je crois à l'astrologie. Je suis du signe cancer, principalement femme-enfant, et pour les Chinois, je suis serpent, signe de la mère. Cette influence joue-t-elle ? En tout cas, je n'infantilise pas avec les gosses. Ils me font marrer. A une réunion, je me retrouve très vite de leur côté. Je leur plais, allez savoir pourquoi. Je me sens bien dans ma peau. Quand j'ai commencé comme speakerine, c'était pareil. Je ne compose pas de personnage, c'est trop fatigant...

Aujourd'hui, vous gagnez beaucoup d'argent mais qu'est-ce qui accroche le plus Dorothée dans ses activités ?
D'accord, je touche beaucoup, mais je n'en profite pas. Je ne pars pas en vacances six mois à Tahiti. Je ne mets rien de côté, je ne sais pas combien je gagne. L'important, ce sont les rapports humains. Je suis heureuse quand je croise un gamin et qu'il me dit : « Salut, j'ai bien ri dans ton émission d'hier... »


Au fond, vous vous pliez en quatre pour leur faire plaisir. Vous leur pardonnez tout ?
Nooon. Les enfants mal élevés m'énervent. Une bonne fessée et on est tranquille. J'ai eu une éducation très sévère. Et je ne regrette pas cette autorité parentale. J'avais le droit de rire, hein, bien sûr mais je n'ai pas pu sortir seule jusqu'à mes vingt et un ans. J'ai gardé ce goût de la famille. Et du coup je conçois mes spectacles pour elle toute entière. Pour éviter que les parents ne se sentent obligés d'emmener leurs enfants chez Dorothée. Ça me causerait de la peine si c'était ainsi. Je veux que tous tapent des mains et des pieds.


Si votre carrière tourne rond. Par contre, au cinéma, vous n'avez pas vraiment atteint vos ambitions, non ?
Disons que j'ai eu la chance d'être contactée par François Truffaut pour « L’Amour en fuite » puis par Robert Enrico pour « Pile ou face ». Ensuite, on m'a proposé des rôles identiques à ceux-là. Or, comme je n'ai pas besoin du cinéma pour vivre, autant choisir. Je me dis que, quand je serai vieille, je pourrai toujours interpréter les grand-mères alertes et indignes, comme Denise Grey. C'est dommage mais ce n'est pas grave.


En attendant, pas question de se laisser submerger par un quelconque vague à l'âme. Après son triomphe au Zénith fin 86, ce boute-en-train sentimental arrive bientôt dans la capitale. Changeant de grimace comme de déguisement, dansant comme un mille-pattes qui ferait des claquettes, chantant comme un p'tit rossignol posé sur un minitel, Dorothée rameute les petites foules. Plus que deux fois dormir pour les mini-bouts de chique avant de découvrir « La Fée Vitamine ». Tous les Van der Schtroumpf accompagnés de leurs aînés ne rêvent plus que
de vivre cette unique représentation bruxelloise.
Bernard Meeus.

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A trente-quatre ans, Dorothée est la grande idole des p'tits fans ; elle a déjà vendu dix millions de disques.

Plus qu'une comédie musicale, « La Fée vitamine » est un véritable tour de chant follement animé par Dorothée.

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